dimanche 26 juillet 2009

Le Translohr n'est peut-être pas si cher...

On fait souvent le procès, aux trams sur pneus, de leur supposé "coût exorbitant". Tous les "arguments" semblent bon pour taper sur le TVR et le Translohr, au mépris total de toute logique. En vrac :

- on voit qu'il faut changer les galets et les pneus (sur le TVR) alors "oh mon Dieu ça va être horriblement cher". Mais que je sache, les roues des Citadis ne restent pas rondes indéfiniment, il faut elles aussi les entretenir et, comment dire, au bout d'un moment il faut elles aussi les changer... Un pneu de TVR coûte 600€. Combien coûte une roue de Citadis ? (sachant en plus qu'il y a deux pneus par essieu sur le TVR alors qu'il y a 4 roues par bogie sur un Citadis... Soit, quand même, deux fois plus de roues pour une même architecture de rame donnée...)

- on voit aussi qu'il faut refaire l'enrobé de la piste de TVR (au moins à Nancy). La dernière fois qu'elle a été refaite, cette piste ? Ben lors de la création de la ligne, en 1999-2000... Ca va bientôt faire 10 ans quand même... Pour information, à Montpellier il me semble que les courbes prononcées de la Ligne 1 nécessitent une remise à niveau complète tous les... 5 ans... Et même, refaire l'enrobé d'environ 5 km de TVR à Nancy a coûté 1 million d'euros, soit environ 200.000€ le kilomètre/10 ans. A quels tarifs peuvent prétendre les trams sur fer ?

- on entend aussi dire que les trams sur pneus auraient le même coût au kilomètre que les trams sur fer. L'information est extrêmement difficile à vérifier car le bugdet global, tel qu'annoncé en France, comprend l'achat des rames et surtout les aménagements extérieurs associés à la ligne de tram. Si vous installez une "simple" ligne ça vous coûtera probablement moins cher que si en même temps vous décidez de refaire la route, les trottoirs, les façades et les 50 kilomètres d'autoroute autour de votre ville... Néanmoins, il est intéressant de noter que la plate-forme du Translohr de Venise-Mestre va coûter, pour 14 kilomètres, 45 millions d'euros (source : site officiel de la ligne)... La ligne est légère : un rail central pour le guidage, et deux bandes de roulement en béton ou toute autre matière susceptible de résister au passage fréquent d'un véhicule sur pneus, le tout pour le confort de roulement. Soit, donc, un coût total de 3,21 millions d'euros par kilomètre... Alors moi voici les deux questions que je pose :
  1. un tram sur fer est-il en mesure de proposer ce type de coût vraiment très faible, pour un niveau de confort équivalent ? J'ai déjà emprunté le Translohr et je ne l'ai pas trouvé plus ou moins inconfortable (pour le roulement j'entends) qu'un tram sur fer standard (Citadis). Ceux qui osent par contre le comparer à "un tram d'avant-guerre" ou "un tram d'Europe de l'Est" sont par contre souvent de très solides anti-trams sur pneus (souvent d'ailleurs pour des raisons idéologiques, car ils ne conçoivent pas qu'un véhicule autre qu'à deux rails puissent se prévaloir de l'appelation de "tramway"), et je les soupçonne d'une très légère mauvaise foi... Je les soupçonne aussi, et surtout, de n'avoir jamais mis les pieds dans le genre de matériel auquel ils font référence, car si vous aviez vu une ligne de tram typique de l'Europe de l'Est, ne serait-ce qu'en photo, vous ne pourriez pas aboutir à une telle conclusion sauf si c'est précisément là que vous voulez arriver (au mépris, bien évidemment, de toute rigueur intellectuelle). Alors on me répondra qu'il existe des modes de pose "light" pour les trams sur fer, etc., mais je pose la question : avec quel confort ? Car il est clair, les chiffres étant là pour l'appuyer, que la voie du Translohr est d'une incroyable légèreté... sans que ne soit altéré le confort de roulement du véhicule. Par contre, faire passer un véhicule lourd (je rappelle quand même qu'un tram sur fer est un "mini-train", et que les trains ne sont pas les véhicules les plus légers qui soient, même en version "mini"...) sur des rails pas stables, toutes les 5 minutes à l'heure de pointe, tous les jours et pendant des années, voire des décennies, franchement, qui oserait comparer un tel niveau de confort avec celui d'un tram comme le Translohr ? A part ceux qui ont justement envie de trouver tous les "arguments" pour péter du Translohr... ben personne je crois bien...
  2. plus généralement, je m'interroge sur le fait qu'en France on construise des lignes de tram à 300 millions d'euros les 12 kilomètres, tout inclus. Car quand je revois une fois encore les chiffres de la ligne Venise-Mestre, 14 kilomètres pour, au total (c-a-d aménagements, matériel roulant et études inclus) 163 millions d'euros, je me dis qu'en France on se fout largement de la gueule des contribuables... Car quel est l'objet des transports collectifs ? Transporter des gens ou servir de prétexte pour une rénovation en profondeur de la ville ? On ne peut pas mettre les fonds partout, dans les infrastructures ou dans la rénovation... Car pour le prix d'une ligne française sur un axe rénové les italiens de Venise peuvent vous proposer deux lignes pas rénovées, ce qui veut dire, du simple point de vue de l'usager : deux fois plus de longueur, deux corridors desservis à la place d'un seul, etc.
Moi je pense que les transports collectifs doivent... servir à transporter les gens, et ne doivent dès lors être conçus que dans cette logique (éventuellement en anticipant l'urbanisation future mais enfin à moins d'avoir une boule de cristal...). Y associer un prétexte de "rénovation urbaine", c'est ruineux, c'est pompeux, et pour l'usager, ça ne sert à rien. Si on veut rénover la ville, ce qui est bien évidemment tout à fait légitime (je vois déjà les esprits les plus vicieux et pervers me répondre que je suis en train de dire que la ville ne doit pas être rénovée, d'où cette précision qui démonte dans le détail leur "argument" à mon encontre), il suffit d'allouer des budgets spécifiques pour ça, ce qui permettra surtout d'associer un vrai débat public sur cette question précise. Je rappelle quand même, et à tout hasard, que l'existence d'un débat est ce qui définit la notion même de démocratie... Je laisse donc chacun méditer sur le fait qu'il n'existe pas, en France, de débats réels sur les questions de rénovation urbaine associées aux lignes de trams (qui, en France, semblent multiplier la facture par deux... Pardon du peu mais ne serait-ce pas un argument suffisant pour que tous les citoyens se saisissent à nouveau de cette problématique ? A 150 millions d'euros la question, je pense, à titre bien évidemment purement personnel, que ça ne serait pas idiot...).

Pour conclure sur le sujet initial (le coût du Translohr), cette expérience italienne semble montrer que le Translohr, comme l'indique son constructeur, est un tram low-cost pour les villes qui veulent néanmoins s'équiper de cette technologie. Certains rétorquerons que le prix à la place d'un Translohr est plus élevé qu'un tram sur fer, ce qui est peut-être vrai dans la mesure où peu de ces véhicules ont été produits (d'où de faibles économies d'échelles, au moins pour l'instant [pour en baisser le prix il faudrait d'ailleurs en produire, et donc en commander, beaucoup, ce qui ennuirait énormément les gens qui amènent cet argument du coût à la place car ce sont des gens qui, précisément, n'aiment pas le Translohr... Est-ce alors normal que je vois dans cette démarche une profonde, et d'une certaine façon magnifique, contradiction initiale ?]). Mais il se peut, vu le coût incroyablement limité de son infrastructure, que ce surcoût ne fasse que diminuer l'économie globale, sans que le Translohr ne devienne plus cher qu'un tram sur fer traditionnel. Mais allez donc dire ça à des gens qui ne cherchent qu'à casser le Translohr (et le TVR, qui est peut-être lui un peu moins low cost que le Translohr [à vérifier cependant]), allez donc leur dire...